Texte : Marie-Pierre Garrabos
Photo : Hervé Hôte / Agence Caméléon
Quand on arrive chez Caroline Maureau, au coeur de la Crau, on commence par rencontrer de superbes limousines à la robe caramel, des chiens de chasse qui hurlent dans leur enclos. Des chats passent, curieux. Et les juments ? « Elles sont derrière la maison, au calme » précise la maîtresse des lieux. Les vaches appartiennent à l’élevage de son père, les chats sont à sa petite soeur. Mais les juments, de race Camargue, sont sa propriété, « sa vie » comme elle dit. Avec leur lait, la jeune agricultrice a mis au point une gamme de produits de toilette et de beauté. Une petite entreprise qu’elle a conçue seule, il y six ans, pour vivre de sa passion. « Mon premier souvenir d’enfance, je suis sur un cheval, » dit-elle avec cet enthousiasme qui fait vivre chacun de ses mots. « Puis quand j’ai eu dix ans, j’ai eu ma première jument, Stella. C’était le cheval de ma vie. » Avec Stella, en vivant au plus près d’elle, Caroline apprend le caractère et la physiologie de la race Camargue, les caractéristiques de son lait, pauvre en matière grasse, et riche de bienfaits pour apaiser la sécheresse cutanée et les problèmes de peau. Après avoir obtenu un BTS de gestion agricole, la jeune femme forge son apprentissage toute seule, sur le terrain, en analysant la traite, et dans les livres, manuels vétérinaires, ouvrages scientifiques qu’elle accumule. Le lait des juments de Caroline est d’autant plus riche qu’elles sont nourries à l’herbe et au foin de Crau, seul aliment pour animaux labellisé AOC et AOP. Caroline a ensuite sélectionné un laboratoire pour son engagement en faveur des ingrédients naturels. Tout dans sa démarche est fondé sur le respect, de ses animaux comme de celui des clients. Du bien-être de ses dix juments découle le succès de son entreprise, c’est certain, mais l’éleveuse ne saurait fonctionner autrement. Carmen, Darling, Griotte, Cléa, Thémis et leurs copines coulent des jours tranquilles en compagnie de deux étalons et de leurs petits : l’élevage naturel, en troupeau, est primordial pour leur sérénité et donc la production de lait. La traite se passe dans leur environnement habituel, c’est-à-dire en extérieur, là où elles le choisissent. Et seule Caroline peut se charger de l’opération : une relation de confiance est indispensable. Enfin, la traite passe toujours après les besoins des poulains et seule la quantité de lait nécessaire aux commandes est prélevée. « Je ne sais pas comment elle sera quand elle aura des enfants, mais pour ses animaux, elle a des tendresses et une inquiétude maternelle » assure la propre mère de la jeune femme. Quant aux produits, élaborés avec 15 à 40% de lait, Caroline, qui réfléchit à tout, les veut simples. Pour la distribution, elle privilégie la proximité. Outre Internet, les produits sont disponibles dans quelques boutiques de la région, dans des salons où Caroline se rend elle-même et à la ferme. « Je déteste me mettre en avant » lâche la jeune femme, « mais je me suis rendu compte que le fait que je sois la productrice crée un sentiment de confiance avec les clients. Je veux vendre, bien sûr, mais pas à n’importe quel prix. L’important, c’est de mettre en valeur le produit. »
Dans quelques semaines, elle lancera des gélules à prendre en complément alimentaire : « c’est une façon de faire connaître les effets bénéfiques du lait de jument sur l’appareil digestif, une autre de ses vertus. » Puis avec un prêt d’honneur accordé par Initiative Pays d’Arles, la structure qui soutient les entreprises en création ou en développement, elle achètera la machine pour fabriquer elle-même les savons. Elle réfléchit déjà à d’autres développements, comme un site de vente à Arles, mais elle préfère avancer lentement. Et quand il lui reste un peu de temps, que le troupeau est bien nourri, en bonne santé, Caroline se consacre à son loisir favori : monter à cheval.